THÈSE (PhD)
Summary
My research concentrates on the comparison of the shapes taken by ‘merveilleux’ motives in two works truly different as far as literary genres, cultural and linguistic backgrounds are concerned, and yet not totally lacking connections.
The roman de Jaufré is an Arthurian romance written in Occitan, probably from the beginning of the XIIIth century, while the Narty Kaddžytæ (Nart legends) are the treasure of Ossetian people, legends collected during the XIXth and XXth centuries from kadæggændžytæ (oral storytellers), and published by Russian, Ossetian or European scholars
such as Vs. Miller, V.I. Abaev.
Miller and later Dumézil proved how the Nart Legends, though coming from oral tradition, was rooted in a past far beyond the ethnogenesis of the Ossetian people. A lot of striking connections are to be found between the epic of these people - last speakers of a language from the Northeast Iranian group (or Scythian branch) - and the habits or the faith of the Scythian people, such as Herodote described them.
The comparison of the Arthurian cycle and the Nart epic is not a new topic. In 1969, Joël Grisward published in the French review Romania a detailed article which released new perspectives for the arthurian studies: « Le motif de l’épée jetée au lac : La mort d’Artur et la Mort de Batradz ».
Another major source is From Scythia to Camelot, written by Scott Littelton and Linda Malcor, whose controversial subtitle is « A Radical Reassessment of the Legends of the King Arthur, the Knight of the Round Table, and The Holy Grail ». A lot of works deal with the origin of Arthurian cycle, but Scott Littleton and Malcor’s at least strove to provide a full analysis of the Arthurian cycle through a Sarmatian-Alanian origin. Whether one supports their theory or not (most mainstream Arthurian scholars don’t), the anti-doxa outlook is their substantial quality, and their Achille’s heel. It’s a point of view in many ways excessive, but several of their hypotheses deserve to be analysed. Within the Arthurian cycle my study includes only the Jaufré (about which neither Grisward’s essay nor From Scythia to Camelot speaks). This romance is a fruitful material for comparative studies especially because of two extremely archaic episodes concerning King Arthur, one at the beginning and the other close to the end of the work. These passages enclose the adventures of the knight Jaufré, which do contain archaic motives, as well.
A major source of difficulties, the Jaufré’s style mixes archaic patterns with a modern and critical sense of rewriting; as a result, the author’s art consciousness is put into light by an ironical intertextuality.
I began with a simple idea: only a direct linguistic access to the texts allows a detailed and precise study. If J. Grisward is a renowned medievist and Scott Littleton a famous comparatist, neither one nor the other have a direct access to the Ossetian texts and theirs works are based on the published translations. I intensively learnt Ossetian language before the begining of this PhD and during the first year I went three times in Ossetia for a linguistic immersion, where I could work on Ossetian published texts. The Occitan language is to me even more accessible: I learnt it in family, and then continued the study of old and modern occitan at the University Montpellier III - Paul Valéry (Master in Roman Studies - speciality Occitan [2006]; director: G. Gouiran). My research has three main aims: if the indo-european mythical background and the question of potential borrowings by the Celts to the Scythian or Sarmatian traditions is at the very heart of the work, two other aims deserve as much attention : the generic comparison (with problems of the relations between oral and written literatures, romance and legendary tales…) and the cultural comparison (from one part tales, rooted in the double inheritance of Ossetians – Sarmatian-Alanian inheritance and Caucasian inheritance; and from the other part, a text with Celtic roots rewritten in the context of Occitan society of fin’amor).
Résumé
Mon travail de recherche consiste à comparer les formes du merveilleux dans deux oeuvres, génériquement, culturellement et linguistiquement tout à fait distinctes et qui pourtant ne sont pas sans liens. Le roman de Jaufré est un roman arthurien écrit en occitan probablement au début du XIIIème siècle, tandis que les Narty Kaddžytæ sont le trésor du peuple ossète, légendes recueillies aux XIXème et XXème siècles auprès des conteurs (kadæggændžytæ) et publiées notamment par des savants tels que Vs. Miller et V.I. Abaev.
G. Dumézil a montré combien le cycle des Nartes, bien que rapporté par la tradition orale, s’enracinait très profondément dans le passé au-delà du peuple ossète lui-même. Dans les légendes de ce petit peuple, dernier locuteur d’une langue nord-est iranienne (la branche scythique), on retrouve maintes accointances avec les coutumes et croyances des Scythes, tels que décrits par Hérodote.
La comparaison du cycle arthurien et des légendes nartes n’est pas un sujet nouveau. Joël Grisward publia dans la revue Romania en 1969 un long article qui ouvrit de nouvelles perspectives aux études arthuriennes : « Le motif de l’épée jetée au lac : La mort d’Artur et la Mort de Batraz ».
Un autre texte majeur est celui de Scott Littleton et Linda Malcor, From Scythia to Camelot, dont le sous-titre explicite la portée polémique : « A Radical Reassessment of the Legends of the King Arthur, the Knight of the Round Table, and The Holy Grail ». Les travaux sur les origines du cycle arthurien sont fort nombreux, mais ceux de Scott Littleton - qu’on y adhère ou non -, prennent à contre-courant la tendance majoritaire, et délivrent une analyse presque exhaustive du cycle à la lumière d’une origine scythique et plus précisemment sarmato-alaine. C’est un point de vue à bien des égards excessif, mais certaines de leurs hypothèses méritent l’analyse.
Mon propos ne concerne certes pas l’ensemble du cycle arthurien mais simplement le roman de Jaufré, que n’évoquent ni l’article de J. Grisward, ni From Scythia to Camelot. Il constitue pourtant un terrain propice à l’étude comparative, notamment par la présence de deux épisodes particulièrement archaïques concernant le roi Arthur qui, à l’ouverture et à la conclusion de l’oeuvre, forment un diptyque entourant les aventures du chevalier Jaufré, qui, elles non plus, ne manquent pas d’éléments archaïques.
Une des difficultés majeures pour l’analyse du roman de Jaufré tient à ce que son écriture mêle ces éléments archaïques à une réécriture critique. Des jeux d’intertextualité ironiques mettent particulièrement en lumière la conscience artistique de l’auteur. Je pars d’une constatation simple : seul un accès linguistique direct aux textes permet une étude minutieuse et détaillée des légendes nartes. Si J. Grisward est un médiéviste de renom, et Scott Littleton un comparatiste reconnu, ni l’un ni l’autre n’ont un accès direct aux textes ossètes et leur travail s’est fait à partir des traductions publiées jusqu’alors.
Pour ce qui me concerne, l’apprentissage de la langue ossète à l’INALCO a précédé mon inscription en thèse. Durant ma première année de thèse, je suis parti par trois fois en Ossétie pour une immersion linguistique pendant laquelle j’ai pu me consacrer à l’étude des textes publiés. La langue occitane m’est encore davantage accessible : après l’avoir apprise dans le cadre familial, j’ai poursuivi l’étude de l’occitan ancien et moderne à l’Université de Montpellier III - Paul Valéry (Master d’études Romanes - spécialité Occitan; mémoire sur le roman de Jaufré en 2006; direction Gérard Gouiran).
L’objectif de mon travail de recherche est triple car je procède à l’étude comparative des textes sous divers angles : même si le fonds mythique indo-européen commun et la question des emprunts par les Celtes à la tradition scythique ou sarmato-alaine sont au cœur de ce travail, deux autres domaines méritant tout autant l’attention sont également dans mon champ d’étude - la comparaison générique (avec les problèmes que posent les relations entre littératures orale et écrite, roman et conte légendaire…) et la comparaison culturelle (d’un côté, des légendes ancrées dans le double héritage des Ossètes - héritage scytho-sarmato-alain vet héritage caucasien - et d’un autre côté, un texte puisant dans la matière celtique et réécrivant dans le cadre de la société occitane de fin’amor).